Rétrospective Jim Jarmusch – « Do you know my poetry ? »

Ces trois dernières années, le cinéaste américain Jim Jarmusch n’a pas chômé : Paterson en 2016, Gimme Danger la même année, The Dead Don’t Die en 2019. C’est donc à pic que tombe cette rétrospective, qui nous invite à (re)découvrir les six premiers films du réalisateur, et se plonger dans une œuvre brillante de cohérence et de poésie.

Le monde du cinéma a découvert Jim Jarmusch avec Stranger than Paradise – Caméra d’Or au Festival de Cannes de 1984. Mais il ne faut pas oublier son tout premier film, un film de fin d’étude, Permanent Vacation (1980), qui annonçait déjà les inventions cinématographiques que le cinéaste allait pousser dans ses fils suivants : Jim y glissait ses premiers travellings latéraux, mouvement de caméra qu’il ne cessera de réinventer pour accompagner et soutenir ses personnages bancals et désœuvrés.

Jarmusch filme une jeunesse perdue, fauchée, mais pourtant débordante de volonté et d’amour. Tous sont un peu artistes. Dès son premier film, c’est la musique qui est la sœur de l’image. On pourrait même aller jusqu’à dire qu’elle incarne, littéralement, l’image : John Lurie, acteur que l’on voit dans Permanent Vacation, dans Stranger than Paradise, puis dans Down by Law, est musicien et guitariste. N’oublions pas non plus Tom Waits (un DJ déchu et emprisonné à tort pour meurtre dans Down by Law), maître du blues rauque/rock à la voix caverneuse. Et notons aussi que le couple de Mystery Train visite Memphis, la ville d’Elvis Presley, en pèlerinage sur les traces de leur idole. Jim Jarmusch, lui-même musicien – guitariste dans le groupe Sqürl – rend perpétuellement hommage à celles et ceux qui ont influencé ses goûts musicaux. L’image toujours s’accompagne de musique.

Et si elle n’est pas sonore, elle devient poétique.

« Do you know my poetry ? »

Le film le plus mémorable de Jarmusch, c’est sans doute Dead Man, où le cinéaste atteint les sommets de la création : onirisme, poésie, humour, beauté visuelle, tout y est, tout se complète et se fusionne. Véritable mariage entre l’homme et le paysage, entre l’inspiration et la création, entre la matière et l’esprit. Les personnages chez Jarmusch – et surtout William Blake dans Dead Man – acceptent leur destin. William Blake qui part vers l’Ouest urbain pour y exercer le métier de comptable se laisse peu à peu convaincre d’être la réincarnation du poète anglais du même nom. Il suffit, presque simplement nous dit le cinéaste, d’embrasser une vision plus métaphysique, moins terre à terre, plus propre :

« If the doors of perception were cleansed, everything would appear to man as it is : Infinite »

Voir ou revoir les premiers films de Jarmusch est un pur plaisir de spectateur ; on y (re)découvre tous les traits caractéristiques qu’on retrouvera par la suite : cet humour décalé, ces dialogues qui fusent, ces conversations où se glissent de véritables pépites poétiques, et surtout, de belles histoires entre acteurs. Le cinéma de Jarmusch a toujours été très familial, presque informel. Le cinéaste n’a jamais cherché à faire un chef d’œuvre ; en bon dilettante qu’il est – et il le revendique ! – il a toujours filmé ce qui lui plaisait. L’art de la communication, des relations, de la musique. Tout devient un cheminement vers l’imaginaire et ses possibles. Tous les personnages du cinéma de Jim Jarmusch connaissent des fins différentes, leur sort semble parfois plus ou moins aléatoire : certains, après avoir longuement erré, finissent par découvrir de nouveaux horizons ; d’autres restent des exilés. Qu’importe finalement, chez Jim Jarmusch, c’est le voyage qui compte.

Rétrospective Jim Jarmusch en six films (1980-1995), en salle dès le 3 juillet.
Permanent Vacation (1980), Stranger than Paradise (1984), Down by Law (1986), Mystery Train (1989), Night on Earth (1991), Dead Man (1995)

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