François Ozon, pour son nouveau film, adapte le roman La Danse du coucou d’Aidan Chambers, qu’il a lu durant sa jeunesse et dont il rêvait l’adaptation. C’est désormais chose faite, mais l’intrigue, prévue initialement à l’été 1984, est transposée à l’été 1985. Ce choix, étonnant, est lié à un souhait du cinéaste : intégrer une chanson de The Cure, In Between Days, ouvrant et clôturant le film. Cette chanson, que François Ozon écoutait dans son adolescence, témoigne-t-elle alors du caractère très personnel que prendrait pour lui le film ?
Durant cet été de l’année 1985, dans le Nord de la France, Alexis (Felix Lefebvre) emprunte un bateau à une connaissance et met les voiles. Tempête. Il chavire et se retrouve sauvé de justesse par David (Benjamin Voisin). De cette rencontre entre ces deux jeunes hommes, issus de classes sociales différentes, découle la naissance d’une relation particulière, une amitié de rêve, un amour de jeunesse.
Si le long métrage peut rappeler à certains moments Call me by your name, il semble que le sujet traité par Été 85 ne soit exactement pas le même. Dans ce dernier, ce n’est pas tant la découverte de l’identité amoureuse qui fait le cœur du film, mais bien la recherche du soi dans sa globalité, la recherche de sa propre histoire et de son propre chemin de vie. C’est ainsi que les deux protagonistes, oscillant entre la pleine adolescence et les débuts de la vie d’adulte, se cherchent.

Alexis en est un bon exemple : il est tiraillé entre la volonté de son père de le voir quitter le lycée pour entrer dans la vie professionnelle et subvenir à ses besoins financiers, et celle de sa mère, qui l’encourage dans son désir de poursuivre des études littéraire. Cette littérature, in fine, permettra à Alexis de mettre la lumière sur ce qu’il n’arrivait pas à exprimer avec sa parole. David, lui, est un jeune adulte perdu depuis la mort de son père. Charmeur, l’expression de bourreau des cœurs lui colle à la peau, symbolisé par son peigne aussi aiguisé qu’un couteau, qu’il sort pour recoiffer les visages qui lui plaisent.
Cette quête du soi passe certes par la relation amoureuse et intime entre les deux jeunes, mais demeure bien loin des questions récurrentes à la représentation de l’homosexualité au cinéma. Il n’est ni question du Sida, ni d’un rejet plein et entier de la société. L’homophobie n’est toutefois pas occultée, comme le montre certaines remarques (par exemple le passage où Alexis questionne sa mère sur cet oncle qui se travestissait et a depuis mystérieusement disparu de la famille).
Le film présente une multitude de personnages bien construits, attachants, énervants émouvants et parfois amusants. Malgré une adaptation qui semble assez impersonnelle de la part du réalisateur, certains éléments font écho au reste de sa filmographie (notamment lorsqu’Alexis se déguise en femme, rappelant Une nouvelle amie avec Romain Duris). Le spectateur est plongé dans les années 80, que ce soit par la bande originale, les décors, costumes, mais aussi par le choix judicieux de tourner à la pellicule, donnant un joli grain à l’image.
Premier gros film français de la saison, Été 85 est une belle réussite, et l’on espère que les spectateurs seront au rendez-vous dans les salles obscures pour l’accueillir.
Été 85 de François Ozon, avec F. Lefebvre, B. Voisin, P. Velge. Sorti en salles le 14 juillet 2020.