Perdus dans l’espace – Aux confins épiques de la galaxie

Diffusée à partir d’avril 2018 sur Netflix, la série Perdus dans l’espace (Lost in Space en VO) a vu sa deuxième saison sortir pour Noël 2019. Nous avons donc pu retrouver pour notre plus grand plaisir la famille Robinson, le Dr Smith, Don West et la poule Debbie dans leurs aventures spatiales.

Remake d’une série de 3 saisons et 83 épisodes diffusée entre 1965 et 1968, ré-adaptée en film en 1998 (Lost in Space, de Stephen Hopkins, avec Gary Oldman et Matt LeBlanc), Perdus dans l’espace fait partie de ces œuvres trans-générationnelles, reprises et reprises sous différentes formes à travers les années. Continuer la lecture de « Perdus dans l’espace – Aux confins épiques de la galaxie »

H2G2 + Monty Python = Dirk Gently, détective holistique

Au début, on m’a conseillé Dirk Gently : « tu verras c’est inspiré de l’auteur qui a écrit aussi le livre qui a inspiré H2G2 : le guide du voyageur galactique » : vous savez ce film du routard de l’espace flanqué d’un robot dépressif doublé par Alan Rickman (Rogue, dans Harry Potter). J’ai fait mes petites recherches : ledit Douglas Adams est en réalité un habitué de l’esprit décalé de H2G2 – et de Dirk Gently – puisqu’il a été scénariste de la célèbre émission de la BBC The Monty Python Flying Circus que seules les personnes honteuses ne connaissent pas.

Un univers déjanté et pourtant rationnel

Dirk Gently c’est une série cliché : ne prenez pas peur. Tout mouvement est exagéré, les jeux des acteurs secondaires sont caricaturés au possible, à tel point que les personnages principaux, Dirk (un détective holistique), Todd (un groom dépressif) et leur amie Farah (une officier de police ratée), bien qu’ils soient tous autant qu’ils sont extraordinaires. Continuer la lecture de « H2G2 + Monty Python = Dirk Gently, détective holistique »

Dix pour cent : une perle à la française

L’été approche, malgré les révisions, et c’est pour ça que Le Film Jeune Lyonnais s’attache à passer en revue les séries qu’on vous conseille pour la plage, la montagne, ou simplement chez vous.

Me voilà à la recherche d’une série légère et loin des thrillers/drames et j’en passe que j’ai l’habitude de suivre sur Netflix. Mes amis me conseillent Dix pour cent et là, la crainte : une série française, quelle horreur ! Je décide de dépasser mes préjugés et me voilà plongée dans cette série de 12 épisodes d’environ 50 minutes répartis en 2 saisons. Les épisodes passent et je ne m’arrête plus : les épisodes sont longs mais jamais longuets, l’intrigue est simple, mais jamais simpliste.

Tout tourne autour d’une agence d’artistes parisienne et de ses salariés, tous plus atypiques les uns que les autres. Chacun, par ses traits particuliers, apporte sa pierre à l’édifice venant rendre plus palpitante et habiller la présence de véritables célébrités françaises, cette dernière venant donner originalité et aplomb à la série. Au fil des épisodes, chaque personnage se dévoile et présente les traits types du commun des mortels : jalousie, possessivité, envie, courage, amour, mauvaise foi, opportunisme, égocentrisme, regrets… et j’en passe. Les faiblesses de chacun nous offrent une palette de personnages attachants, nous donnant envie de poursuivre l’aventure et de découvrir leur devenir.

Dix pour cent, c’est aussi une série qui milite à sa façon. Je vous laisserais découvrir par vous-même ce que j’entends par là, et vous recommande largement la série si vous souhaitez quelque chose de léger, touchant, drôle sans pour autant vous prendre le chou avec une série en VOST ou une version française mal doublée. Dix pour cent vous entraîne dans l’envers du décor du show business avec des rebondissements qui vous donneront (peut-être) envie de toucher au monde des agents.

Dix pour cent (saison 1 et 2 disponibles), créée par Fanny Herrero, d’après une idée originale de Dominique Besnehard, Michel Vereecken, Julien Messemackers

La série a été créée et est co-réalisée par Cédric Klapisch, que nous avions rencontré l’année dernière à l’occasion de la sortie Ce qui nous lie :

Interview de Cédric Klapisch (Ce qui nous lie, L’Auberge espagnole, Le Péril Jeune,…)

Dark : une bonne série d’outre-Rhin

L’été approche, malgré les révisions, et c’est pour ça que Le Film Jeune Lyonnais s’attache à passer en revue les séries qu’on vous conseille pour la plage, la montagne, ou simplement chez vous.

Bien que mot anglais, Dark c’est très allemand comme mot, à l’image de la série : monolithique, précis, efficace et plein de profondeur mystérieuse. Accrochez-vous pour 10 épisodes de voyage dans le temps, dans l’espace et dans votre moi intérieur. Continuer la lecture de « Dark : une bonne série d’outre-Rhin »

Review et digressions sur Stranger Things 2

Précédemment …

Stranger Things, petite série sortie dans une relative discrétion à l’été 2016, puis grimpée dans la fameuse aire – souvent mortelle pour nous, cinéphiles – du mainstream en septembre de la même année, c’est cette série qui puise son inspiration dans différents parrains de la fantasy et de la SF des années 80 : Stephen King, Steven Spielberg. Le tout arrosé de références, d’icônes, et d’une bande-son tout droit issue des eighties, cela ne pouvait que plaire, et sont bien fines bouches ceux qui prétendent que la série ne leur a pas tiré une seule petite émotion de leur cœur de pierre.

Synopsis (sans spoilers promis)

L’action de la saison 1 se déroule dans la petite ville d’Hawkins, ville sans problème, où nous trouvons une bande de quatre potes, Dustin, Mike, Lucas et Will, fan de Donjons et Dragons, des aventures de Tolkien et affublés évidemment de leurs vélos (filmés comme s’il s’agissait de Harley Davidson) qui déambulent dans leur collège, au club d’audiovisuel, et avec le professeur de sciences naturelles, en bon gros geeks qu’ils sont tous.

Sauf qu’un soir, Will disparaît. Et là, toute une série d’événements commence à frapper la petite ville sans histoire, avec notamment la présence d’un laboratoire du département de l’Energie top secret à proximité … Continuer la lecture de « Review et digressions sur Stranger Things 2 »

Séries : de la fiction à la réalité ?

            « Les séries télé font aujourd’hui partie de notre quotidien même de manière involontaire. Elles s’emparent de nos écrans, des conversations, font naître des expressions de langage, inspirent les plus inspirés, et témoignent de la diversité grandissante de la société » selon Mathieu de Wasseige[1], sociologue contemporain des écrans.

A travers un jeu subtil de reflets de nos désirs, nos attentes et nos plus grandes frayeurs, la série se transforme en véritable support pour l’existence. Ce processus médiatique participe d’un pouvoir accru d’identifications, de références et d’idéalisation. Inscrit dans une perspective de socialisation, il brouille peu à peu les frontières existantes entre fiction et réalité et fait surgir du néant un monde secondaire, dont les répercussions agitent la société du réel.

C’est ainsi que Sabine Chalyon-Desmersay[2] insiste sur la dimension cognitive de la fiction, notamment à travers le personnage Jack Bauer (24h Chrono) dont le répertoire d’action s’inscrit à part entière dans l’actualité (discours idéologiques post-attentats et les conséquences qu’ils risquent d’emporter, …).

La série s’inscrit dans une contiguïté et dégage un véritable chemin de traverse vers la réalité sociale, approchant sa structure propre dans une temporalité nouvelle. A l’image de West World, cet univers se caractérise par « le retour du même » au sens de Sepulchre, imprégné par des voix off et faisant le pont entre « la singularité d’un personnage et la diversité des téléspectateurs »[3]. L’éclat de la série, son ingéniosité, s’exprime surtout dans sa résonance vis-à-vis de la réalité (cf Black Mirror).

La trame narrative exploite la figure de l’être vulnérable, par le biais d’une succession de défis et d’obstacles à relever, révélant l’acheminement de l’existence, et permettant à tout un chacun de s’y retrouver, de par la diversité des thèmes exploités. Les perceptions sont démultipliées par le découpage épisodique, jusqu’à l’arrêt brutal ou parfois inachevé, caractérisant une certaine « absence de téléologie »[4] issu de la tradition télévisuelle.

 

            Histoire d’anachronie, projection futuriste ou plongeon dans le passé

Car la tendance actuelle, c’est l’indéfinissable temporalité (flashbacks, flashforwards, rupture et enchâssement d’épisodes, point de vue omniscient, interne, externe, alternance des points de vue, …).  Cette ambiguïté tire conséquence d’une sociologie des existences, que la série a le mérite de se réapproprier. Dans un sens ontologique, elle témoigne et atteste de la dimension spirituelle de l’être (cf The Leftovers, Lost). Elle distord la vie humaine en ses deux fonctionnalités, son enracinement biologique d’un côté et son évolution civilisatrice de l’autre. Elle contribue ainsi à vitaliser le dysfonctionnement social, trahissant la part la plus sombre de nous-même ou parfois mystérieusement l’inverse. Dans l’imaginaire collectif, l’homme apparaît comme un monstre mécanique, qui a renoncé à se comprendre lui-même. Seule subsiste son habilité industrielle, et Jonathan Nolan aborde de ce point de vue une problématique pas si innocente. A l’initiative de la série West World, il traduit l’hypothèse d’une nouvelle ingénierie humaine dotée d’une conscience. Décuplant l’industrie du divertissement, il dépeint un monde dans lequel l’homme est devenu une véritable puissance incontrôlable, tandis que ses créations robotiques aspirent à l’humanisation la plus complète.

 

            La série post-populaire, de revendication élitiste, artistique et culturelle

Si West World est de tendance futuriste, elle implique un héritage philosophique. Se pose ainsi la question de savoir si la tendance actuelle ne cèderait pas à la tentation sélective. Non seulement son objet tire les conséquences du transhumanisme, mais s’attribue la dialectique du maître et de l’esclave, distinction subtile entre ceux qui sont nus et ceux qui sont habillés. De même, la notion de l’éternel recommencement, que l’on doit à Nietzsche, semble aisément s’intégrer au scénario.

« Si l’expérience est suffisamment immersive, alors vous commencez à découvrir des choses que vous auriez préféré ignorer. »

Ainsi Jonathan Nolan offre au spectateur un accès fictif aux sujets de société souvent muselés dans certaines castes professionnelles. Cette technique du récit volontairement peu accessible, a toutefois su tirer profit du « binge watching » actuel, en jouant sur l’anticipation au détriment de la résolution.

S’inscrit dans cet élan artistique la série The Leftovers, à travers laquelle Damon Lindelof traite d’une mystique si puissante que ses personnages parviennent à repousser les limites imposées par le cadre télévisuel. Simplement suggestive, cette série tient compte du spectateur en l’incarnant comme élément potentiel du scénario. Rejoignant la thématique de l’intemporalité, cette forme de slow TV exige un certain renoncement au binge watching et nous force à concevoir la réalité temporelle. A titre d’exemple, si la réunion eucharistique illustre dans Lost une fin en soi, le regroupement familial de The Leftovers se comprend comme un moyen. Ainsi la projection fictive témoigne de notre propre réalité et souhaite qu’on la rejoigne.

 

 

[1] Mathieu de Wasseige, Séries télé us : l’idéologie prime time, Louvain-la-Neuve/Paris, Academia/Éd. L’Harmattan, coll. ihecs{dot}com, 2014, 196 pages

[2] Sabine Chalvon-Demersay, Pour une responsabilité politique des héros de séries téléviséesQuaderni, 88 | 2015, 35-51.

[3]  François Jost, De quoi les séries américaines sont-elles le symptôme ? CNRS éditions, 2011

[4] Hervé Glevarec, « Trouble dans la fiction. Effets de réel dans les séries télévisées contemporaines et post-télévision », Questions de communication, 18 | 2010, 214-238.