Cette année, le Festival Lumière a souhaité mettre en valeur l’œuvre de la réalisatrice française Claire Denis, en partie à l’occasion de la sortie de son nouveau film High Life (en salle le mercredi 7 novembre). Dire qu’il s’agit d’une cinéaste atypique ne serait pas juste, pas plus que dire qu’elle était le quota-films de genre de cette édition – en tout cas, elle refuse cette appellation. Pourtant, difficile de ne pas y penser quand on découvre successivement High Life et son Trouble Every Day… Continuer la lecture de « Lumière 2018 – Claire Denis, un cinéma qui a du mordant »
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[Cannes 2017] Un Beau Soleil Intérieur de Claire Denis
Vu dans le cadre de la reprise du Festival de Cannes au Comoedia.
Prix SACD – Quinzaine des réalisateurs
Ce qui marque immédiatement dans le nouveau film de Claire Denis, c’est le visage de Juliette Binoche, actrice qu’on ne présente plus désormais… Mais bizarrement, qu’on aura l’impression de ne jamais avoir vu avant. Ces gros plans – presque impudiques – qui mettent en avant ce regard tantôt brillant, tantôt mouillé, d’un naturel profondément bouleversant. Ses sourires, rares, illuminent l’écran. Comme le film raconte les déboires amoureux de cette femme qui n’est ni une jeune femme dans la fleur de l’âge, ni une femme « périmée » (si l’on peut dire quelque chose comme ça) et qui connait encore des hommes, elle garde l’espoir qu’un jour, elle rencontrera ce prince charmant que l’on nous promet sans jamais vraiment le trouver. C’est un film finalement assez sombre, en tout cas larmoyant par moment. Mais la sincérité de son actrice principale est telle que l’on ne peut nier que la sensibilité exacerbée qu’elle joue donne au film une tonalité captivant.
Ces hommes, justement, lui sont profondément proche : imparfaits, inexacts, injustes, insolents, intolérables. Mais jamais profondément mauvais, mais jamais celui que cette femme recherche. Elle va même rencontrer un medium – ou plus qu’un medium : (désolé du spoiler) Gérard Depardieu lui-même. Qui d’autre pourrait promettre qu’un jour elle trouverait ce « beau soleil intérieur », nécessitée pour atteindre le bonheur ? Après tout, avec sa présence lourde, sa voix ayant toujours malgré l’âge ce petit quelque chose d’unique, ce regard, ce nez (et quel nez!), Depardieu s’offre une (courte) apparition mémorable face à une Juliette Binoche qui, sans dire un mot et seulement par la grâce de la mise en scène, reste au cœur de cet entretien aussi colossal entre deux des plus importants morceaux du cinéma mondial.
Pourtant, un regret, un seul plan : celui sur la Tour Eiffel, assimilable à un phare avec ses faisceaux lumineux, introduisant un dialogue entre un homme et Binoche au sujet de leur relation. A quoi sert-il ? Nous rappeler que le film se déroule à Paris ? Inutile. Nous dire que la Tour Eiffel est le phare de Paris, ville des amours ? Que la Tour Eiffel est une métaphore, ce serait grossier, parce que gros, parce que déjà vu à peu près partout. On se plaît à croire que non, que Claire Denis a réalisé un film beaucoup plus fin. On se plaît à croire que la finesse justement du film l’emporte sur tout le reste, et que le visage de Juliette Binoche restera aussi lumineux que dans les derniers plans du film. Il est alors tellement plus éclairant que celui sur la Tour Eiffel.
Le film sortira en France le 27 septembre 2017.
Nos remerciements aux équipes du Comoedia pour la projection du film.