Cuban Network – Fondu au noir sur un fiasco

Le titre peut paraître bien dur, mais il reste indulgent. Pour restituer le contexte, nous parlons du dernier film d’Olivier Assayas, présenté aux festivals de Venise et de Deauville, vivement chahuté et remonté depuis. Et le problème, c’est que tout ceci se sent en voyant le produit fini. Le film retrace l’histoire de plusieurs agents du régime cubain, véritables agents doubles, qui s’enfuirent avec esclandres de l’île pour rejoindre les contre-révolutionnaires à Miami… et ainsi devenir des espions de choix pour la Havane. Continuer la lecture de « Cuban Network – Fondu au noir sur un fiasco »

Les Filles du docteur March – Une fresque familiale réussie

Les Quatre filles du docteur March (ou Little Women en version originale) est un ouvrage majeur de la littérature « pour jeune fille » de la fin du XIXe et de tout le XXe siècle. Après une édition en poche en France assez tardive (dans les années 1950), cet ouvrage n’est plus de notre génération (nos grand-mères l’ont sûrement toutefois lu étant jeunes). Le défi alors, comme toute oeuvre artistique qui tente de réhabiliter ou de renouveler une histoire déjà connue et ancrée dans les esprits, est de faire du neuf tout en ne faisant pas trop vieilli. C’est justement quelque chose  qui était réussi dans l’adaptation récente de Perdus dans l’espace, dont nous vous parlions il y a quelques jours. Continuer la lecture de « Les Filles du docteur March – Une fresque familiale réussie »

Perdus dans l’espace – Aux confins épiques de la galaxie

Diffusée à partir d’avril 2018 sur Netflix, la série Perdus dans l’espace (Lost in Space en VO) a vu sa deuxième saison sortir pour Noël 2019. Nous avons donc pu retrouver pour notre plus grand plaisir la famille Robinson, le Dr Smith, Don West et la poule Debbie dans leurs aventures spatiales.

Remake d’une série de 3 saisons et 83 épisodes diffusée entre 1965 et 1968, ré-adaptée en film en 1998 (Lost in Space, de Stephen Hopkins, avec Gary Oldman et Matt LeBlanc), Perdus dans l’espace fait partie de ces œuvres trans-générationnelles, reprises et reprises sous différentes formes à travers les années. Continuer la lecture de « Perdus dans l’espace – Aux confins épiques de la galaxie »

Joker – Une tragédie humaine portée par un surhomme

Michael Moore (Bowling for Columbine, Fahrenheit 9/11) défend un film « d’utilité publique » dans le contexte de la polémique déclenchée par le film. Il s’est évertué à dénoncer cette hypocrisie qui voudrait qu’on ait peur d’un film plutôt que de ce qu’il dénonce, car c’est bien ce qu’il dénonce qui est au cœur du problème.

Enthousiasmé par ce retour d’un cinéaste que j’adule, je me suis précipité à la première occasion pour voir ce tant attendu Joker de Todd Philips, avec Joaquin Phoenix. Lion d’Or à la Mostra de Venise (plus ancien festival de cinéma du monde s’il faut le rappeler), une interprétation de Joaquin Phoenix portée aux louanges, tout était là pour me plaire.

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Cannes 2019 | La Belle Époque – Une ode à l’humain et aux histoires

Accusé par certains d’être un film « c’était mieux avant », par d’autres d’être un fantasme phallocrate de Nicolas Bedos, son réalisateur, La Belle Epoque est, au contraire, un des plus grands films français de l’année 2019, et en tous cas de ce 72e Festival de Cannes.

Dans une époque où la tendance est à dire que le passé ne doit pas peser sur l’avenir, Bedos signe ici un film hors du temps, qui pourrait faire partie de la série Black Mirror : Victor, sexagénaire fatigué par la vie, et de manière générale par la modernité, se voit proposé de vivre une expérience en retournant dans le temps à l’époque qu’il souhaite. Choisissant l’année 1974, date à laquelle il rencontra pour la première fois son épouse, Victor choisit ainsi de revivre sa première rencontre, afin de comprendre pourquoi celle dont il était fou amoureux alors ne l’aime plus aujourd’hui. Continuer la lecture de « Cannes 2019 | La Belle Époque – Une ode à l’humain et aux histoires »

El Reino – Un appel d’air pour l’ancien monde

Les films sur les politiciens ou puissants corrompus sont nombreux et abordent (presque) toujours l’ambivalence de la success story personnelle, au détriment du groupe, et de la dureté de l’impitoyable loi de la jungle qui sévit dans ce milieu. El Reino me pousse donc tout d’abord à recommander d’autres films de la même trempe qui traitent plus ou moins du même sujet : Le Loup de Wall Street (2013) de Martin Scorsese ou Il Caimano (2006) de Nanni Moretti par exemple.

Après Que Dios Nos Perdone (2017), Rodrigo Sorogoyen reprend ici son acteur fétiche, Antonio de la Torre, qui fait incroyablement le job d’incarner Manuel Lopez Vidal, self-made man de la classe politique espagnole, dauphin à la présidence de la région, régnant sur son empire politique (el reino signifiant « le royaume»), qui n’a pour motivation politique que l’enrichissement et l’accroissement de sa puissance personnelle, au profit aussi de sa femme et de sa fille. Le point de départ du film est la chute médiatique d’un cadre du parti de Lopez-Vidal. Ce dernier est à la manœuvre pour limiter la casse et empêcher que le scandale ne fasse tâche d’huile, avant de découvrir qu’il est le prochain sur la liste et qu’il va être désigné comme réel instigateur d’un système qui, pour le citer, « existait déjà du temps de mon grand-père ». Continuer la lecture de « El Reino – Un appel d’air pour l’ancien monde »

Le Chant du loup – Une expérience sonore et humaine

Dès le générique d’ouverture, on apprend que le film a été financé par le programme d’aide à la création sonore du CNC et pour cause : non seulement le personnage incarné par François Civil, l’officier Chanteraide, « Oreille d’or » de la Marine Nationale, est un spécialiste de la guerre acoustique, mais la construction sonore de la bande originale nous pousse à vivre le film à travers son ouïe fine.

Construisant son film en trois temps, le talentueux Antonin Baudry utilise le fond d’une politique fiction basée sur les relations russo-européennes, l’Etat Islamique et la situation en Syrie pour développer une aventure avant tout humaine. Il est question d’oreilles certes, mais c’est avant tout le dialogue, la confiance sans faille entre des équipiers et l’absurdité criante du fait militaire face à ces liens indéfectibles qui font les personnages principaux du film. Continuer la lecture de « Le Chant du loup – Une expérience sonore et humaine »

Border – Embellir la laideur, bousculer les certitudes

Border fait partie de ces films qu’il vaut mieux aller voir sans rien en savoir. Ce fût mon cas, et les différents procédés du réalisateur trouvent alors tout à fait leur place et ont – en ce qui me concerne – fonctionné à merveille.

Au-delà de l’intrigue multiforme du film, passant du drame social au thriller, et enfin au conte fantastique, il est un domaine dans lequel l’excellence est atteinte : c’est la captation du laid, et sa transformation en beauté sublime à l’écran. Le réalisateur s’attache à filmer et à rendre à l’écran les personnages de Tina et Vore bestiaux : l’accent est mis sur les râles, sur la bave, les dents sales, les corps sales, difformes. Finalement, c’est avec les animaux que Tina est le plus en phase : une sorte de compréhension mutuelle tacite est en place, sans que personne ne puisse l’expliquer. De même, le talent de Tina, qui est en quelques sortes de « sentir les émotions humaines » renvoie directement à la sensibilité que nous prêtons à différents animaux, les chiens notamment, pour ressentir les états d’âme de leurs maîtres. Continuer la lecture de « Border – Embellir la laideur, bousculer les certitudes »

Outlaw King – Une épopée costumée inégale

Un film Netflix avec des visages familiers

Ça y est, depuis quelques temps Netflix produit des films aux budgets plutôt conséquents (120 millions de dollars pour celui-ci). C’est tellement surprenant et inhabituels que l’envie de regarder Le Roi hors-la-loi m’est venue en voyant une publicité du fameux service de streaming sur un réseau social bien connu. Je décide alors de tenter, m’attendant à une série dans le genre de Game of Thrones ou Viking, qui s’appuient sur cette mythologie et histoire anglo-saxone médiévales. Finalement, je me rends compte que c’est un film : au final il n’y a que sur la durée et le format que je me serai trompé, le reste est exact.

Si vous êtes un spectateur assidu de Game of Thrones vous reconnaîtrez facilement les visages de James Cosmo (Robert de Bruce Sr. ; Jeor Mormont dans GoT) et Stephen Dilliane (Edouard Ier d’Angleterre ; Stannis Baratheon dans GoT) qui reprennent leurs rôles respectifs de père protecteur et de roi de fer impitoyable. Continuer la lecture de « Outlaw King – Une épopée costumée inégale »

En liberté ! – Digressions sur les prisons (in)volontaires

Les disciples de Norman Bates – au sens philosophique bien sûr – dont je suis ne se souviennent que trop bien de ses discussions avec Marion Crane à propos de la « cage » dont tout un chacun est prisonnier : une vie secrète avec un mari adultère, une mère trop intrusive, chacun est enfermé à sa manière et l’histoire est quelque part toujours d’arriver à en sortir sans trop de dégâts.

De cages en cages, digressions sur un amour impossible

Yvonne, veuve d’un policier tombé en opération, découvre que celui-ci était ripou. Soumise à l’image de son père décédé qu’elle construit pour leur enfant, elle se retrouve emprisonnée dans ce premier cycle de mensonges. Elle noue alors une affection coupable pour Antoine, un jeune détenu fraîchement libéré qui avait été injustement incarcéré après une manipulation de feu son mari. Tous deux sont, à leur manière, enfermés pour toujours dans leurs propres personnes et histoires : elle, innocente aux yeux de la justice mais coupable d’avoir été bernée pendant huit ans par un mari ripou, lui, coupable aux yeux de la justice mais innocent des crimes qu’on lui reproche. Continuer la lecture de « En liberté ! – Digressions sur les prisons (in)volontaires »