ACID (2/2) : « Le but, c’est de favoriser la diffusion de ces films en salle »

Suite de notre entretien avec Karin Ramette et Simon Lehingue, qui représentaient lors de leur passage à Lyon en septembre dernier l’équipe de l’Association pour le Cinéma Indépendant et sa Diffusion (ACID). Pour lire la première partie :

ACID (1/2) : « Le plus important, c’est que les films doivent être présentés comme dans un écrin au spectateur »

Vous disiez que votre public cannois était fondamentalement composé par les distributeurs, les exploitants, à la recherche de films à programmer. Dans ce cas-là, pourquoi organiser des événements pour le public cinéphile comme au Comoedia ?

K.R. : Ce n’est pas pareil. Quand on est au Festival de Cannes, on est sur les premières projections de ces films-là. Comme le disait Simon, le but, c’est de favoriser la diffusion de ces films en salle. La première stratégie est alors de faire en sorte que les programmateurs, les exploitants, puissent les voir, et les voir dans de bonnes conditions. Cannes est un enjeu important à cet endroit-là, car dans nos spectateurs, on aura l’exploitant de salle de cinéma. Après, le but, c’est qu’il soit programmé. L’exploitant a vu le film, il s’en empare, il le programme. L’idée de venir ici, au Comoedia, c’est la continuation de ce travail là : d’aller à la rencontre du public et d’activer le bouche à oreille. On présente dix films, et sur ces dix films, huit sont en avant première. Le fait de projeter ces films en avant-première avec ces discutions, ces échanges à la fin, c’est une manière de démarrer un bouche à oreille, à Lyon et dans les environs. On espère que ce bouche à oreille sera réactivé lors de la sortie nationale. Là, on est à la deuxième étape, mais il est important aussi qu’à Cannes les exploitants puissent voir les films, très en amont.

Aujourd’hui, on constate une multiplication des moyens de voir les films. De la même manière, il y a de plus en plus de films produits, réalisés, et cela devient de plus en plus difficile d’exister, d’être programmé, même à Cannes. Pourquoi ne pas vous tourner vers ces nouveaux moyens – citons Netflix – pour donner un moyen de médiatiser, de faire exister ces films qui parfois des difficultés à exister en salle ?

S.L. : C’est une bonne question…Mais l’endroit de l’ACID, c’est la salle.

K.R. : Oui, et je peux ajouter quelque chose : la plateforme, ça ne fonctionne – et ce n’est pas moi qui le dit mais ce sont les gens qui font fonctionner ces plateformes – que quand il y a déjà eu un bouche à oreille, quelque chose qui se passe avec la salle.

S.L. : Tout à fait.

K.R. : Si vous voulez qu’un film génère du téléchargement, des visionnages, il faut qu’il y ait eu quelque chose avant, une médiatisation. Ça passe par la salle.

S.L. : Pas mal de gens ont tenté des sorties directement en VOD, et c’était ultra bancal. Netflix c’est autre chose, c’est de la SVOD [Service de vidéo à la demande, ndlr] par abonnement. Il y en a d’autres comme Mubi, qui fonctionnent sur un réseau cinéphile (avec un film par jour qui rentre, un film par jour qui sort et toujours trente films en ligne), à 4€ par mois, ça marche, mais sur un réseau cinéphile, ils n’ont pas un pouvoir d’expansion énorme. Les sorties directement en VOD, en paiement à l’acte, ça a marché pour les films faisant un buzz, faisant beaucoup de promotion, type Abel Ferrara avec Welcome to New York, sur l’affaire DSK, qui a fait 700 000 achats. Mais c’est ponctuel. Il n’est pas trouvé en fait, le modèle économique. Bien sûr que les pratiques ont changé, mais comment faire exister des films si l’on ne passe pas d’abord par des structures solides, les salles, et la communication par la presse.

K.R. : On parle en l’occurrence de cinéastes qui n’ont pas encore de notoriété. Pourquoi est-ce que quelqu’un chercherait à voir ce film sur le net, ou sur une plateforme ? Alors quand c’est par abonnement, je peux faire confiance à la ligne éditoriale, être curieux – c’est une démarche très cinéphile d’ailleurs.

S.L. : J’ai un exemple : j’ai vu un film d’horreur iranien à La-Roche-Sur-Lyon [Under the Shadow, de Babak Anvari, nldr], l’année dernière. Je m’étais demandé qui allait l’acheter. C’était incroyable, il fallait que ça soit vu. Et c’est Netflix qui l’a acheté. Du coup, personne ne l’a vu, personne ne connaît ce film. Sauf qu’en fait, ils ont mis beaucoup d’argent sur la table. Le producteur était coincé : oui, le film serait peu connu, ce sera difficile de financer le prochain, mais… Netflix qui pose une somme, ça fait plaisir, mais il y a toujours le regret que l’écrin de la salle n’ait pas été là.

Là, c’était peut-être un moyen pour Netflix de parler aux spectateurs cinéphiles, qui auront ouïe dire du bien de ce film ?

S.L. : C’est aussi parce qu’ils ont besoin d’avoir un gros catalogue ! Ils ont besoin d’énormément d’offre pour justifier les abonnements, faire de la com.

En quelques mots, qu’est ce que vous diriez sur la sélection 2017 de l’ACID ? Un film qui vous a marqué particulièrement ? Mettre en avant un faux-fil directeur ?

S.L. : Je pense que ce sont des formes très libres. c’est bateau dit comme ça, mais il y a six films français (c’est un critère de l’ACID). Tout le système des commissions du CNC, du lissage des scénarios, des ré-écritures, des financements très serrés et justifiés, étouffent un peu la création. Ça se voit d’ailleurs, il y a des gens qui font des premiers films, on dirait que c’est leur huitième ! Le propre des films français de l’ACID cette année, c’est qu’ils ont tous trouvé une forme contournant ce système pour tourner plus vite, avec plus de liberté. Il y a cet aspect d’hybridation entre documentaire et fiction très claire, parce que quand on a moins d’argent, on doit travailler avec le réel, d’y introduire de la fiction… Avec des scénarios peu écrit, d’autres formes d’écritures. Les films sont assez différents les uns des autres, mais s’il y a une ligne directrice, ce serait celle-là. Le réel fait toujours effraction dans la fiction et inversement. Ça donne des formes inhabituelles pour le spectateur, mais pas difficiles pour autant. Ce ne sont pas des films exigeants plastiquement.

K.R. : Après il y a quelque chose qu’on dit beaucoup, c’est qu’il y a une forme d’éclectisme. C’est le reflet de la sensibilité des réalisateurs qui ont fait la programmation. On a des gens qui viennent de la fiction, du documentaire, d’une forme hybride… Certains en sont à leur cinquième long-métrage, d’autres viennent de finir leur premier long. Les parcours sont extrêmement divers et les sensibilités sont très diverses. C’est vraiment comment accorder toutes ces sensibilités pour une programmation, dans laquelle chacun y trouve aussi quelque chose. C’est toute la beauté de la chose. Malgré toutes ces personnalités, toutes ces sensibilités de cinéma différentes, on arrive chaque année à produire une programmation cohérente. Ce qui est très drôle, c’est qu’au fil des années, on se rend compte qu’il y a malgré nous un fil directeur. Une année, il y avait un intérêt pour la marge, dans tous les films il y avait quelque chose ou quelqu’un à la marge.

Parce que l’ACID est un peu le reflet du monde ?

K.R. : D’une certaine façon ? C’est un regard sur le monde en tout cas, à un instant T.

Un film à voir impérativement dans la sélection, par préférence personnelle ?

K.R. : C’est difficile, ils méritent tous d’être vu. Ils ont tous un intérêt différent.

S.L. : Moi je réponds Sans Adieu. C’est un chef d’œuvre. En fait, le plus beau film de l’année.

K.R. : J’aime beaucoup Sans Adieu aussi.

Encore merci à l’équipe de l’ACID de nous avoir consacré du temps et aux équipes du Comoedia pour nous avoir accueilli ! Encore en salle : Le rire de madame Lin, soutenu par l’ACID en 2017.

Site de l’ACID, pour suivre leur actualité

Rencontre avec le LYF d’Or 2017 : Marion Filloque (Les Âmes Sœurs) !

Quelques heures avant la révélation du palmarès de la seconde édition du Festival du Film Jeune de Lyon, nous avons pu échanger avec Marion Filloque, lauréate du prix de la meilleure réalisation ainsi que du très convoité LYF d’Or ! Elle était accompagnée à cette occasion du directeur de la photographie du film, Nicolas Fluchot…

Bonjour Marion ! Est-ce que tu peux nous parler de ton parcours ? Continuer la lecture de « Rencontre avec le LYF d’Or 2017 : Marion Filloque (Les Âmes Sœurs) ! »

Interview de Pierre Triollier du Brochet (président du LYF)

Président et l’un des membres fondateurs du LYF – Festival du Film Jeune de Lyon, Pierre Triollier du Brochet a accepté de rencontrer Le film jeune lyonnais pour discuter autour de la première édition et de l’organisation de la deuxième en septembre 2017…

Bonjour Pierre. Vous êtes président de l’association LYF – Festival du film Jeune, et donc président du Festival du film Jeune de Lyon. Que retenez-vous de l’édition précédente ?

Beaucoup de fierté d’avoir pu mener un projet comme celui-ci à bon port. J’en retire aussi des belles rencontres, de nouvelles amitiés que j’ai formées grâce à cette expérience, et la naissance d’une équipe jeune, soudée et dynamique. Du coup, c’est plein de bonnes choses qui nous ont convaincu d’organiser en 2017 une nouvelle édition du Festival du film Jeune de Lyon.

Le Festival du film Jeune fait écho à la base à un autre organisme : l’Union du film Jeune. Qu’est ce que c’est ?

L’Union du film Jeune, c’est le projet originel de notre association. En effet, lors de sa fondation, l’objectif était de créer une association des manifestations cinématographiques jeunes lyonnaises. Personnellement, je sortais de mon mandat comme président du Festival du film lycéen de Saint-Just, et c’est avec nos amis du Festival Luciole, du lycée la Martinière Monplaisir, que nous avons créé l’association.

L’Union du film Jeune est donc un des deux pôles de l’association LYF. Elle regroupe les organisateurs de manifestations cinématographiques jeunes lyonnaises qui sont ainsi associés dans notre grand projet de développement du film jeune lyonnais.

Qu’attendre de cette nouvelle édition ?

De nouveaux films bien sûr ! Il y aura aussi d’autres nouveautés, comme le blog Le film jeune lyonnais [vous êtes dessus, ndlr] qui a couvert le Festival de Cannes d’une manière admirable et qui propose aux différents abonnés et internautes des contenus de réflexion et une approche analytique sur le cinéma et son industrie.

Évidemment, pour faire une deuxième édition nous allons reprendre dans les grandes lignes la première : les projections des courts-métrages, sous la houlette d’Alice Mesland-Millet et Maéva Paolini, une conférence organisée par Camille Pellini, et un nouveau projet d’exposition de photographies qui est en préparation par Hanna Trabelsi et Clara Naouri, mais vous en saurez plus bientôt. Nous nous occupons aussi du jury, des relations avec nos partenaires (Comoedia, Ville de Lyon, lycées, Lyon 3, …), ainsi que d’organiser des moments de rencontres et d’échanges entre les candidats, nos partenaires et les professionnels, que nous souhaitons développer cette année. Et pour ce faire je serai épaulé par mes deux vice-présidents, Jean-Félix Laval et Constant Boulay, ainsi que le directeur général de l’association, Jean-Charles Quiniou.

Est-ce que les candidatures affluent comme l’année dernière ?

Nous avons reçu 26 candidatures à ce jour, nous avons donc rassemblé au moins autant de films que l’année dernière, sachant qu’il reste un peu plus de deux mois avant la fin du délai de dépôt, le 20 août 2017. L’originalité de cette année est que ces candidatures viennent d’à peu près toute la France : Paris, Angers, Toulouse, Marseille, et même de Cotonou au Bénin, ce qui nous donne une diversité et une ouverture nationale et internationale sans précédents ! D’ailleurs j’en appelle aux réalisateurs lyonnais, pour lesquels cette manifestation est construite à l’origine : ne vous laissez pas faire et montrez à la France et au monde que les lyonnais font du cinéma, et en nombre !

Quels conseils donneriez-vous à un candidat pour que son film soit sûr d’être sélectionné ?

La première étape c’est évidemment de se rendre sur lyonyoungfilfmest.fr pour inscrire en renseignant la « fiche candidat » et en envoyant son film. Ensuite, nous n’avons pas la prétention d’une sélection officielle cannoise bien évidemment : nous attendons des films qu’ils durent moins de 15 minutes, soient audibles et visibles en formats universels, et qu’ils soient réalisés par des jeunes de moins de 25 ans. Si nous avons de trop nombreux candidats, une sélection se fera par le biais du Comité de sélection, mais en attendant, nous sommes ouverts à tout, et à tous : tous les genres sont les bienvenus au Festival du film Jeune de Lyon. Par exemple, nous allons sûrement ouvrir des catégories film d’animation, film expérimental et film documentaire cette année, ce qui nous donne une richesse et une diversité que nous n’avions pas l’an passé ! Un conseil donc à donner aux candidats : étalonnez votre image et votre son pour nous rendre un film qui se rapprochera au mieux de la qualité d’un film professionnel ! Pour le format vidéo, privilégiez le MP4 pour permettre des conditions de visionnage optimales.

Comment se déroule concrètement le festival ?

Pour nous évidemment il a déjà commencé. On reçoit des candidatures jusqu’au 20 août, à minuit. Le 21 août, nous communiquerons sur les réseaux sociaux pour annoncer les films retenus dans la sélection ainsi que les nominés par catégorie. Début septembre, nous tiendrons notre traditionnelle conférence de presse pour détailler toute notre programmation ainsi que nos projets, événements, etc … Et enfin, le 20 septembre, les projections débuteront avec la première d’entre elles dans l’auditorium Malraux de l’Université Lyon 3, à la Manufacture des Tabacs. Suivront alors 10 jours de projections endiablées, avant de terminer avec une cérémonie de clôture, de remise des prix et de diffusion des films lauréats le samedi 30 septembre, à 10H au Cinéma Comoedia.

Comment est composé le jury ? Comment est établi le palmarès ? Sur quels critères ?

Le jury est désigné par le Bureau de l’association : il est composé d’une vingtaine de personnes environ, des lycéens, étudiants, étudiants en audiovisuel, des enseignants, mais également des professionnels du cinéma, des journalistes ou des membres d’associations étudiantes de Lyon. La composition du jury sera justement dévoilée en conférence de presse. Les jurés se réuniront pendant le festival pour délibérer et décerner des récompenses. Le Comité de sélection aura, comme je l’ai dit auparavant, établi une sélection de nominés pour les catégories techniques (image, B.O., montage, …). Le détail des prix en jeu sera dévoilé également en septembre. Bien sûr, le Public ne sera pas oublié, et même si le jury décernera beaucoup de prix, le public décernera un unique mais pas moins prestigieux Prix du public, composé des votes pendant les projections d’une part, et des votes en ligne d’autre part.

Quel avenir pour le Festival ?

Le Festival, et le projet de notre association, qui est de développer et de rassembler les initiatives cinématographiques jeunes lyonnaises, ont vocation à se pérenniser : nous sommes les seuls à faire ça et le public, les spectateurs, les candidats, nous font bien sentir, à chaque fois avec beaucoup d’émotion, comme notre projet a été déterminant pour eux, ou qu’ils ont simplement apprécié passer des moments de cinéma avec nous. Idéalement, l’ambition du Festival du film Jeune de Lyon pourrait être nationale : devenir un festival de référence dans son domaine,  c’est notre ambition. Après, si des initiatives similaires se présentent dans d’autres régions de France et de Navarre, nous serons vraiment heureux de partager, d’échanger avec ces personnes et de construire de nouvelles choses ensemble, sur notre passion commune : le cinéma !

Interview de Cédric Klapisch (Ce qui nous lie, L’Auberge espagnole, Le Péril Jeune,…)

A l’occasion de sa venue à Lyon pour présenter son nouveau film Ce qui nous lie (en salles le 14 juin), Cédric Klapisch a accepté de répondre à nos questions sur le film, mais aussi de manière plus générale sur l’état de l’industrie cinématographique française…

Comédie, drame, documentaire, science-fiction… vous avez réalisé, depuis 20 ans, des films aux sujets et aux genres très variés. Comment expliquez-vous avoir un cinéma aussi éclectique ?

Parce que je suis comme ça ? (rire) Je suis curieux, et je n’aime pas les réalisateurs qui font tout le temps les mêmes films. J’aime le cinéma dans sa diversité : les westerns, les comédies, la science-fiction… Je n’aimerais pas m’enfermer dans un genre. Ça me donne envie d’explorer des univers que je connais mal. Je cherche toujours des idées qui me font sortir de moi-même, de mes habitudes. Dans Ce qui nous lie, je n’avais jamais filmé dans la nature, je savais que ce serait un grand bond. Ça m’a pris du temps. Je me suis rendu compte que tous les films que j’ai faits auparavant c’était dans des rues, dans des villes.

Est-ce que ça a été un des éléments déclencheurs, un des points de départ de ce film d’aller tourner dans la nature, dans la campagne ? Parler des vignobles ?

Clairement. J’en avais besoin quelque part. Après, ça a été aussi pour parler du vin, et je me suis fixé sur la Bourgogne. Ça aurait pu être l’Alsace, le Bordelais… Mais déjà c’était la région que je connaissais le mieux – j’y étais déjà allé. Il y a quelque chose de très emblématique de la France. Il y a quelque chose de très antique là-bas, on pense au Moyen-Âge, à l’Antiquité… Mais c’était pour parler de la France et de l’agriculture, ce qui dépasse le seul sujet des vignobles.

Justement, votre film est très ouvert sur le monde : votre personnage principal est passé par le Chili, l’Australie… on ne le voit pourtant jamais en dehors de la Bourgogne, où il revient au début du film après plusieurs années de voyage… Pourquoi avoir voulu faire un film aussi ouvert sur le monde ? Est-ce que vous vous considérez comme un « mondialiste heureux » ?

On peut dire ça. C’était au centre des débats de la campagne présidentielle : est-ce que l’on ouvre ou est-ce que l’on ferme nos frontières ? C’est une question centrale dans le monde d’aujourd’hui. Moi j’ai l’impression que quand on a ouvert la porte, on ne peut plus la refermer. Il y a des avions, internet… Qu’on le veuille ou non le monde est mondialisé. C’est aussi positif – il y a des aspects négatifs à la mondialisation – de savoir ce qui se passe à l’autre bout du monde, que tout le monde est connecté. Il y a un côté « citoyen du monde » aujourd’hui. Il n’y a pas que des marchandises qui voyagent, il y a aussi des informations : quand il y a un tsunami à l’autre bout de la planète, on a de la compassion pour eux. Être « citoyen du monde », c’est ça, se sentir solidaire de ce qui se passe à l’autre bout du monde, ce n’est pas juste acheter des voitures et vendre des trucs. C’est la situation d’aujourd’hui. C’est aussi le résultat des élections. On est obligé d’intégrer le voyage, même si on n’aime pas les immigrés, il y a quelque chose qui fait que les français vont ailleurs et les étrangers viennent ici et que c’est comme ça. Il n’y a pas à dire qu’on aime ou qu’on aime pas, c’est comme ça. Le monde est ouvert, et je préfère la circulation humaine à la circulation des marchandises. Y’a pas que les télévisions et les téléphones qui voyagent. Et ça ne date pas d’hier ! Quand on essaye de nous faire croire que c’est depuis 2 ans, 10 ans… La Gaule décrite par César était déjà un pays de mélange.

Dans votre cinéma, c’est toujours la jeunesse qui voyage, clairement le « voyage forme la jeunesse ». Comment est-ce que vous percevez ça ? Est-ce que c’est une volonté ou un phénomène constaté ?

Je le constate parce que sur ce film-là, je devais parler de la Bourgogne et je me suis rendu compte en me documentant sur le métier de vigneron d’aujourd’hui qu’un jeune de moins de 30 ans est forcément allé ailleurs. Il a été dans une autre région en France, ou à l’étranger : en Californie, en Afrique du Sud, en Australie, … C’est réel. Il y a un lycée viticole à Beaune, je pense que 90 % des jeunes qui en sortent vont faire un stage de 6 mois minimum, ailleurs. Ce qui était important pour moi sur ce film, c’était de ne pas mentir. Il y a la notion de territoire, de régionalisme, mais aussi d’ouverture sur le monde. C’était une marque contemporaine.

Vous disiez que la recherche documentaire avait été importante vu que vous ne connaissiez pas bien ce milieu. Est-ce que ça a été l’une des difficultés de votre travail sur ce film ?

C’était une des difficultés, un peu le même genre que pour Ma Part du Gâteau : il fallait que je rencontre et que je connaisse le monde de la finance. Moi, je n’étais pas du tout au fait de ce monde-là, il a fallu que je fasse un travail de journaliste avec un système d’enquête, d’interview… Là, c’est pareil, j’ai interviewé une trentaine de vignerons, j’ai parlé avec beaucoup de gens, des gens qui travaillaient en bio, quels arguments ils avaient chacun… Je ne pouvais pas aborder ce film sans me documenter, et pas qu’avec des livres ou des documentaires. C’était beaucoup en parlant et faisant des repérages. Donc oui, beaucoup de travail de documentation en amont.

Comment en êtes-vous venu à travailler avec ces trois acteurs : Pio Marmai, Ana Girardot et François Civil, qui forment le cœur du film, et qui n’avaient jamais travaillé ensemble ?

Moi, c’est presque ce qui m’intéresse dans le cinéma : la magie du casting. C’est pour moi ce qui a été le cœur de la série Dix pour cent : elle parle des acteurs. C’est pour ça que j’avais accepté de travailler dessus en en faisant le casting. C’est difficile d’expliquer parce que c’est quelque chose d’un peu intuitif, de magique. J’avais envie de travailler avec Pio parce que je sentais qu’il fallait que je fasse quelque chose avec lui, il y avait une forme de complicité quand je le rencontrais. Je me suis demandé qui pourrait être son frère. J’étais alors sur Dix pour cent sur laquelle j’ai rencontré François Civil, je me suis dit qu’il aurait pu. On a fait un essai et ils se sont super bien entendus. Ce n’était même pas un casting, plus la vérification de quelque chose d’intuitif. J’avais déjà envie de travailler avec Ana Girardot que j’avais rencontré lors du casting pour Ma Part du gâteau. On a vu plein d’actrices et c’était celle qui se mariait le mieux avec ces deux frères. Ça s’est fait petit à petit. Dans un film comme ça, on ne peut pas choisir une personne parce que c’est un bon acteur, il faut choisir les gens par rapport à l’alchimie qu’ils forment entre eux. Là je voyais qu’il se passait un truc entre eux, quelque chose de magique, de particulier. Ça s’est confirmé au fur et à mesure puisque le tournage : douze semaines pendant douze mois, 4 tournages pour les 4 saisons, de fait, ils ont travaillé ensemble pendant un an.

En tant que producteur, est-ce que vous portez un regard optimiste ou pessimiste sur l’état de l’industrie du cinéma en France aujourd’hui ?

Ce qui est drôle, c’est que quand j’étais étudiant, les gens parlaient de la mort du cinéma. Ils disaient que c’était fini. C’était dans les années 1980, et quand vous avez 20 ans et que votre professeur vous dit que c’est bientôt fini, c’est assez flippant. Du coup, j’ai appris que tous les 10 ans on vous annonce que ce métier est en crise et en voie de disparition, ainsi que le cinéma – alors qu’encore l’année dernière, on a battu des records en termes d’audiences. C’est fou à quel point on pense que c’est fini, que là en ce moment les séries télé prennent le dessus, qu’internet prend le dessus… mais le cinéma est toujours là. Je ne suis pas pessimiste, je sais que le cinéma va évoluer que ça évolue très très vite ces derniers temps. D’une certaine façon, j’ai eu beaucoup de chance d’être un réalisateur dans la fin des années 1980 et début 1990 parce que c’était une bonne période pour être un jeune réalisateur. C’est peut-être moins facile aujourd’hui. Mais je vois qu’il y a une relève actuellement, des jeunes super doués, donc qui feront des films que les gens iront regarder ! Je suis optimiste pour ça. On en a pas fini avec ce médium de la même façon qu’on en a pas fini avec l’opéra ou le théâtre. L’opéra, ça fait des milliers d’années qu’on dit que c’est sur la fin. Je pense que les choses restent. Le violon est un vieil instrument, mais il est toujours là.

Vous parliez des évolutions de la pratique du cinéma, par exemple avec les séries ou internet. Aujourd’hui, il y a une vraie problématique autour d’acteurs comme Netflix et de leur capacité de financement des films, qui leur permet d’imposer leur vision – comme celle de ne plus sortir les films en salle directement. Qu’est-ce que vous en pensez ? Est-ce que cela change votre regard sur les films en tant que réalisateur ou en tant que producteur ?

Oui, bien sûr. Après, justement, j’ai fait une série télé et des longs-métrages. Je ne les fais pas dans la même optique. Je vois bien que travailler pour une chaîne de télé ou pour le cinéma, ce n’est pas la même partie du cerveau qui travaille. Je pense que quand on consomme, quand on va au cinéma, et quand on regarde une série télé chez soi, ce n’est pas le même regard non plus. On n’attend pas la même chose en tant que spectateur. Je comprends la logique de Netflix, après je n’ai pas envie que le cinéma dans une salle ne se perde. C’est une émotion qui est vraiment différente, par rapport à un ordinateur ou une télévision. Il y a vraiment une idée de partage. Je vois bien qu’avec Ce qui nous lie, le fait de le voir en vidéo ou de le voir dans une salle avec des gens, il y a quelque chose qui porte – que ce soit les moments tristes ou les moments comiques, les choses sont décuplées. Ce n’est pas juste ce qu’il y a sur l’écran, la qualité du son, de l’image… Ça, il faut essayer de le préserver. En France, on a une politique qui aide à protéger la salle, avec la chronologie des médias. C’est un combat : chacun doit trouver sa place, il y a une place à trouver pour les nouveaux entrants.

Est-ce qu’on pourrait voir cela comme le plus grand changement qu’ait connu l’industrie entre le moment où vous avez commencé et maintenant ?

Non, parce que le grand changement pour moi a été l’explosion des chaînes de télé. J’ai grandi avec une chaîne, puis trois chaînes et quand j’avais entre 16 et 18 ans, il y a eu plein de chaînes de télévision, dont Canal+. Ça a été une révolution. On ne sait pas encore dire à quel point ça a été important. Il y a eu un moment vers la fin des années 1980 où la télé est venue sauver le cinéma. L’exemple de ça, c’est le cinéma italien. C’était le meilleur du monde, ils n’ont pas eu la politique culturelle qu’on a eu en France, ils ont perdu le cinéma. A partir de la fin des années 1980, il n’y avait plus de cinéma italien. Il y a toujours Nanni Morreti, Paolo Sorrentino, de grands réalisateurs. Mais dans les années 1950, 1960 et 1970, il y avait 50 réalisateurs italiens et avec de très très grands films. On voit que ce qu’a fait Berlusconi en Italie et ce qu’on a fait en France avec Jack Lang, comment on a obligé les chaînes de télévision à investir, ça a sauvé le cinéma français. Parce qu’il avait besoin d’être sauvé pour plein de raison : face au cinéma européen et américain. Il y a de nouveau un risque par rapport à Internet, à la mondialisation, et à plein d’autres choses. Il faut inventer un acte politique – je crois beaucoup à ça – qui préserve les choses qui ont existé jusqu’à présent. Il faut être inventif, dans les fictions, mais aussi en politique. En France, il n’y a eu que deux ministres de la culture : Jack Lang et Malraux, les deux qui ont inventé des choses. Sans Malraux, il n’y aurait pas le CNC, pas le fond de soutien, l’avance sur recettes… C’est grâce à des actes comme ça que le cinéma existe.

Est-ce que vous avez une idée de l’acte qu’il faudrait faire en réponse à ces évolutions ?

C’est évidemment plus complexe aujourd’hui parce que la solution ne peut plus être juste nationale. C’est forcément une solution internationale. Pas seulement européenne : Netflix, ce n’est pas européen. Je pense que c’est quelque chose qui va se mettre en place parce que les gens qui sont dans la logique d’internet (Youtube, Google, Netflix ou Amazon) vont avoir besoin de contenus. Il y aura un moment où le financement des films qui reste énorme – même pour eux – où tout va se « caler ». C’est encore un flou artistique, il y a plein de choses à gérer, comme le piratage. Des choses se mettront en place, on est encore au tout début de la VoD par exemple. A mon avis, la VoD va forcément évoluer et prendre le dessus sur le DVD, qui disparaîtra. Ce sont des évolutions évidentes, de la même façon que la musique en ligne a pris le dessus sur le CD. Il y a des choses qu’on peut visualiser, et des choses qu’il faudra règlementer, encadrer… C’est pour ça que je ne peux pas totalement répondre à la question. Il y a plusieurs choses qui se mélangent. L’utilisation que l’on fait d’internet, de la télévision ou des salles de cinéma, sont liées, mais il faudra arriver à règlementer toutes ces façons de voir des films.

Ce serait donc d’abord une réponse politique avant d’être une réponse de l’industrie ?

C’est les deux en fait. Quand je dis que Jack Lang a eu le bon acte politique, c’était en parlant avec des industriels. Quand il y a eu l’invention de Canal+ et du décodeur, c’est une solution industrielle, qui est aussi une solution juridique, et qui trouve sa place entre la télé et le cinéma. D’un coup, cette solution industrielle, politique et juridique amène à un renouveau ou en tout cas à un essor du cinéma.

La réforme préparée par le CNC de la chronologie des médias résoudrait-elle le problème ?

Je pense qu’on est obligé de résoudre cette question. Chaque pays la résout de manière différente. Aux États-Unis, ils la résolvent de manière très différente. Nous avons en France un historique. On voit bien le conflit Netflix qu’il y a eu à Cannes. Les exploitants, les gens qui passent les films dans les salles, ont besoin d’être protégé, et donc de trouver une règlementation qui satisfasse tout le monde. Il y a différentes industries en fait, là.

Dernière question : est-ce que vous avez des idées pour votre prochain projet ?

Oui ! (rire) En fait je suis en train d’écrire un long-métrage et une série télé : je ne me suis pas encore sorti de cette ambivalence. C’est drôle, parce que j’écris les deux en parallèle et c’est vraiment deux façons de penser très différentes. C’est assez schizophrène de faire les deux à la fois. Mais c’est vraiment encore de l’écriture, donc j’attends que ce soit un peu plus concret avant d’en parler.

Ce qui nous lie sortira en salle le 14 juin 2017.

Nos remerciements à Cédric Klapisch pour le temps qu’il nous aura consacré, ainsi qu’aux équipes de Studio Canal et d’UGC Confluence.

Interview de Mathieu Gallet (Radio France) et de Sandrine Treiner (France Culture)

Le 21 mai dernier ont été remis les prix France Culture – Cinéma au festival de Cannes à Sébastien Laudenbach pour son premier long-métrage La Jeune Fille Sans Mains, ainsi qu’à Costa Gavras pour sa carrière. Nous ainsi avons pu discuter avec Mathieu Gallet, président de Radio France, et avec Sandrine Treiner, directrice de France Culture, des enjeux liés à ces prix ainsi qu’à la place de la jeunesse et au cinéma sur leurs antennes.


Mathieu Gallet


Un jury d’étudiant vient de remettre un prix à Sébastien Laudenbach pour son premier long-métrage, La Jeune Fille sans Mains. Quelle est l’importance pour Radio France que ces étudiants puissent remettre un prix au Festival de Cannes ?

Mathieu Gallet : Pour nous, c’est l’occasion de faire participer un jeune public, de jeunes auditeurs de France Culture à la remise d’un prix à un des éléments, un des arts constitutif de notre antenne qu’est le cinéma. Sur France Culture c’est très important, comme globalement sur toutes les antennes de Radio France puisqu’on soutient plus de 130 films par an sur tout Radio France. L’idée de faire remettre un prix par des étudiants, c’est vraiment l’idée d’une transmission. 

Le fait de remettre un prix à la fois à un jeune cinéaste et à un cinéaste expérimenté, c’est aussi une manière pour les étudiants de rencontrer une certaine idée de l’industrie ?

Mathieu Gallet : Il y a une considération pour un cinéma qui est déjà inscrit dans l’Histoire et un cinéma plus en devenir, oui.

Est-ce que ça a encore du sens de remettre un prix à Costa Gavras après toutes ces années ?

Mathieu Gallet : C’est quelqu’un qui a un filmographie impressionnante et qui continue à créer. C’est aussi une histoire qui continue !


Sandrine Treiner

 

Pourquoi c’est important pour France Culture que vous organisiez une remise de prix par des étudiants ? Quelle relation voulez-vous entretenir avec eux ?

Sandrine Treiner : En fait, il y a deux raisons pour lesquelles c’est très important. La première, je pense que dans les missions de service public, il y a la diffusion des cultures et des savoirs, mais il y a aussi sa transmission. C’est une évidence de s’adresser aux nouvelles générations, et de faire en sorte qu’elles se réapproprient à leur façon, avec leurs propres codes ce qui se fait de mieux en matière de culture aujourd’hui. La deuxième raison, d’une certaine façon je pourrais dire que c’est la survie de nos médias : pourvoir être attractif pour les jeunes générations. La radio est en train de changer. Sur les 13-24 ans, aujourd’hui, c’est devenu un média numérique. Pour la plupart, ils écoutent non pas la radio mais les contenus sonore produits par la radio en y accédant par les réseaux sociaux, les sites internets, les podcasts… Donc c’est à nous de continuer à faire évoluer la radio, de telle sorte qu’elle devienne leur média vu qu’un jour nous ne serons plus là et qu’ils seront à notre place !

C’est aussi une manière pour ces jeunes de rencontrer des cinéastes accomplis et reconnus et des gens de l’industrie du cinéma. N’est-ce pas aussi une manière d’être à l’origine d’une nouvelle génération du cinéma français ?

Sandrine Treiner : Oui, il y a cette idée-là : de mettre en relation la nouvelle génération de cinéaste avec la nouvelle génération de spectateurs. Toute l’idée du prix – qui existe aussi pour la littérature – c’est de proposer aux jeunes gens, aux étudiants, de voir des films. Et d’une certaine façon, le lauréat y gagne, mais le plus important, c’est que vous puissiez voir des films. D’amener des films intéressants, innovants, de les amener jusqu’aux jeunes.

Est-ce que France Culture, dans son soutien aux films qui sortent, prend en compte dans sa ligne éditoriale la jeunesse ?

Sandrine Treiner : En fait, France Culture est une radio qui est faite par des gens qui sont très jeunes. Au micro, il y a quand même les producteurs de 3 ou 4 émissions quotidienne qui ont 30 ans. Dans les équipes, c’est plein de jeunes, qui sortent d’études. Je ne me dis pas qu’il y a la radio et il y a les jeunes. C’est une radio qui est faite par des gens de toutes les générations mais avec un véritable renouvellement. Je n’ai pas le sentiment que nous soyons extérieurs à la jeunesse. D’une certaine façon, on est dedans.

L’évolution de la manière de regarder les médias et de s’en servir, notamment depuis une dizaine d’années avec internet, remet en question notre rapport à ceux-ci.

Sandrine Treiner : Totalement, et nous ne faisons plus du tout la radio comme avant ! Aujourd’hui, quand nous concevons la grille, je pense dans le même temps à ce que ça sera pour la radio, et ce que nous proposerons sur Facebook, Twitter, ce qui sera filmé comme la remise du prix étudiant France Culture aujourd’hui qu’on mettra sur Youtube… Je ne sais pas si nous sommes suffisamment en phase, mais en tout cas, la mutation nous l’avons faite.

Est-ce que la nouvelle ministre de la culture, madame François Nyssen, a un rôle à jouer dans ces évolutions ?

Sandrine Treiner : Je pense que la problématique que nous venons d’aborder concernant la radio est une problématique qui concerne la culture de manière globale. On observe aucune diminution des pratiques culturelles, simplement, ces pratiques culturelles ne passent plus par les mêmes actes qu’avant et donc pose des problèmes de financement de la culture. Mais ce ne sont pas les pratiques culturelles qui souffrent en tant que tel. Le monde a tout autant besoin de culture et de connaissance qu’avant, c’est un fait anthropologique.

Qu’est ce que vous attendez d’elle concrètement ?

Sandrine Treiner : Nous savons qu’avec elle nous allons continuer à opérer les modifications, les changements dont nous avons besoin dans nos propres pratiques pour pouvoir continuer à diffuser par la radio ou autrement la culture, parce que c’est une question de service public et de ce qui se fait de mieux dans notre pays. On voit bien que la culture et la connaissance sont les deux vecteurs qui nous font éviter le chaos.

Interviews réalisées le 21 mai 2017 au Festival de Cannes. Remerciements à Mathieu Gallet et à Sandrine Treiner, ainsi qu’à Adrien Lavandier (France Culture) et aux équipes d’UniFrance.

Rencontres avec les anciens lauréats [2/3] – Julia Chapot

Cet entretien est le deuxième d’un ensemble de trois durant lesquels nous avons eu la chance de retrouver les lauréats de la première édition du Festival du Film Jeune. Nous leur avons posé quelques questions sur eux et le festival…

Video Killed the Radio Star, réalisé par Julia Chapot, a reçu lors de cette édition le prix du meilleur film étudiant-audiovisuel et le prix de la meilleure image.

 

Bienvenue sur le blog du Festival du Film Jeune ! Est-ce que tu pourrais te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?

Je m’appelle Julia Chapot. J’ai 22 ans. L’année dernière j’ai présenté mon court-métrage Video Killed the Radio Star, que j’ai réalisé entre janvier et mai 2016 durant ma deuxième année au sein de Factory, où je suis étudiante en réalisation/mise en scène.

 

Comment est-ce que tu résumerais ton film ?

Ça se passe dans les années 80, on y suit un personnage qui s’appelle Freddy, un jeune homosexuel au look excentrique, rejeté par son entourage et qui, le temps d’une soirée, va chercher à s’émanciper par la télévision.

 

Comment tu as appris l’existence du festival ? Pourquoi avoir envoyé ton film ?

J’ai reçu un mail que mon école m’avait transféré qui parlait du festival et j’ai envoyé mon film. Je me suis dit que c’était une opportunité parce que j’en étais fière.

 

Qu’est ce que tu retiens du festival du film jeune de l’année dernière ?

Plein de choses ! Ça réunit pleins de jeunes de Lyon avec pleins de projets différents, de vraiment pleins d’univers différents…

 

Qu’est ce que le festival apporte selon toi à celui qui présente son film ?

La possibilité d’être projeté, de toucher des gens, de rencontrer de nouvelles personnes, de s’immerger un peu plus dans l’univers du cinéma lyonnais,…

 

Qu’est ce que ça fait de recevoir un prix pour le film sur lequel tu as travaillé ?

Quand j’ai gagné mes deux prix, c’était émouvant et puis j’étais très contente, et j’espère que mon équipe aussi était fière car on avait construit un truc vraiment cool. Je le prenais vraiment pour toute mon équipe, j’espère qu’ils se rendent compte que c’est grâce à eux qu’on a eu ça.

 

Regardez le court-métrage de Julia Chapot, Video Killed the Radio Star :

Nos remerciements à Julia Chapot, et à la MJC de Confluence de nous avoir accueilli.

Rencontre avec… Fabrice Du Welz

A l’occasion du festival Hallucinations Collectives, nous avons pu rencontrer le réalisateur Fabrice Du Welz, à l’origine de Calvaire (2004), Vinyan (2007) ainsi que d’Alleluia (2015). Il revient en 2017 avec son premier film en anglais, Message From the King, reparti avec le Grand prix des Hallucinations Collectives, avec dans le rôle titre Chadwick Boseman (Black Panther). Nous lui avons posé quelques questions sur son parcours et sa conception de son rôle de réalisateur.

Bonjour Fabrice Du Welz ! De quelle manière avez-vous découvert le cinéma ?

Durant l’enfance. Je regardais les films à la télévision, je me suis toujours projeté là dedans, je me suis toujours vu travailler là dedans… Il se trouve que très tôt j’ai été mis en pensionnat, dans un pensionnat catholique. C’était l’époque de la VHS. Ma mère me permettait de louer des VHS quand je rentrais le week-end. Je suis vraiment tomber en fascination pour ces jaquettes de ces VHS, qui m’ont vraiment interpellé. Surtout l’imagerie du cinéma d’horreur : les visuels de ces jaquettes me fascinaient, c’est la représentation de ces monstres, de ces femmes, de toute cette hémoglobine, de cette tension sexuelle, me plaisait énormément, me ravisait même. J’avais envie de découvrir. C’est comme ça que j’ai découvert beaucoup de films, de films d’horreurs, et beaucoup d’autre après.

Comment avez vous su que vous alliez consacrer votre vie au cinéma ?

Je pourrais pas le dater, mais j’ai très vite vu que je voulais faire des films. J’ai souvent pensé quand j’étais jeune adolescent que j’allais être acteur – d’ailleurs j’ai fait des études de comédiens, parce que je ne comprenais pas vraiment la différence entre la technique et le jeu, pour moi c’était une espèce d’entité. Mais très vite quand j’ai fait le conservatoire j’ai compris que je n’étais pas forcément à ma place, et que je préférais porter les projets, avec mes copains. Dès l’adolescence, d’ailleurs, je faisais des films en Super 8 avec mes potes, que je montais. On allait dans les bois, on faisait des trucs… On s’amusait. C’était très ludique, très joyeux. J’ai toujours vu la fabrication des films comme un moment très joyeux.

Comment est-ce que vous définiriez votre parcours dans le milieu ?

C’est pas à moi de le définir en fait, je fais ce que je peux. J’essaie d’avoir une constance, une cohérence artistique, en même temps en essayant de faire le grand écart entre des films personnels et des films de commande, en essayant de jouer avec le diktat du cinéma : c’est une industrie commerciale, donc il faut absolument trouver un public… trouver un moyen de faire gagner de l’argent aux gens. C’est une industrie. Avant tout.

Qu’est ce que vous diriez à un jeune qui voudrait consacrer sa vie au cinéma ?

Il faut donner sans compter, et d’essayer d’avoir le plus de personnalité, en tout cas que ses films aient le plus de personnalité possible, qu’ils reflètent de sa personnalité. Essayer d’être le plus engagé possible dans son combat artistique, dans sa vision, de ne jamais abandonner ses rêves d’enfant. Être à la hauteur de ses propres exigences. C’est un métier très difficile où tout le monde essaye toujours de te faire plier à sa volonté. C’est parfois compliqué de tenir sa propre volonté, il faut avoir une espèce de folie douce pour pouvoir vraiment mener à bien un projet. Il faut être très sûr de soi, et en même temps être très perméable aux autres. C’est une combinaison d’extrême audace et d’extrême humilité, en fait. Je lui dirais d’avoir le plus de personnalité, et qu’elle irrigue le plus possible ses films.

Quel élément faut-il soigner tout particulièrement selon vous lorsqu’on réalise un film ?

C’est un tout, une globalité, on peut rien privilégier, mais j’ai appris après 5 films que l’histoire est fondamentale, et l’incarnation, les comédiens… En fait on pardonne tout à un film quand les comédiens sont bons. Un jeune réalisateur ne doit absolument pas avoir peur des comédiens, et doit apprendre avec les comédiens, apprendre ce que c’est qu’un comédien, doit apprendre à travailler avec un comédien, doit apprendre à passionner un comédien… Alors bien sûr c’est un art formel, donc il est très important d’avoir un œil, un sens du découpage, d’avoir le rythme, d’avoir un sens de l’équipe, être un capitaine de bateau, mais c’est encore plus important de pouvoir investir complètements des comédiens, de passionner des comédiens.

Quelle est la première chose qui vous pousse à réaliser un film plutôt qu’un autre ?

Je saurais pas dire, c’est l’instinct, la petite voix intérieure… ça s’impose à moi. Ce n’est pas quelque chose que j’intellectualise. Alors, il y a parfois des films de commande, ou des choses qu’on m’apporte, que j’aime, mais tout de suite il y a un processus presque viscéral, presque physique. Je réponds physiquement au sujet.

Qu’est ce qui vous permet de trouver (ou retrouver) l’inspiration, la motivation de travailler sur un film ?

On ne peut pas faire autrement, en tout cas moi en ce qui me concerne, que travailler énormément en amont. Pendant, après, je suis traversé par des idées, par du travail, une volonté. C’est pratiquement existentiel. Je travaille sur les films parce que je peux rien faire d’autre. J’aime profondément ça. C’est ce qui m’aide à vivre.

Quel conseil vous seriez vous donné lorsque vous avez commencé à réaliser des films ?

Jamais lâcher. Faut rien lâcher. Il faut pouvoir être attentif aux réflexions des autres. A mon avis, il faut pouvoir entendre ce que les gens disent autour de soi, mais il faut aller au bout de soi-même. C’est la chose la plus importante quand on est réalisateur.

Un dernier mot : Citez un film que vous conseilleriez à un jeune ? (un classique incontournable, un film qui vous a beaucoup influencé, que vous auriez voulu voir plus tôt, un coup de coeur…)

Il y a beaucoup, beaucoup de films qui m’ont influencé. Il y a beaucoup de films qu’il faut voir. Quand on veut faire ce métier, il faut voir énormément de films : des années 30, des années 50, des années 70, des années 90… Il faut voir en arrière. Il faut même fonctionner par thématique. Il y a des gens incontournables : Fritz Lang, Hitchcock, Friedkin, Bergman… des gens dont il faut voir tout le travail. Après, ça dépend des décennies qu’on passe. C’est sûr qu’à 20 ans, on voit pas les films de Bergman comme on les voit à 40, à 50 ans. Je pense qu’il faut démarrer par un film-matrice. Un film qui nous a donné envie de faire du cinéma. Sur cette base là, il faut chercher autour de ce film ce qui peut nous nourrir en temps que cinéaste. Moi j’ai énormément de films de références, j’aime profondément le cinéma, j’ai vu beaucoup de films et j’en ai encore à voir. Je pourrais parler de Hitchcock, je pourrais parler de La Nuit du chasseur de Charles Laughton, je pourrais parler de beaucoup de films. Quelqu’un qui veut faire de la comédie va commencer par un film important de la comédie, un Billy Wilder, ou je sais pas qui, et va chercher autour de ce film, va se nourrir autour de ce film, pour constituer son œil et sa dextérité de réalisateur. Mais je pourrais pas donner un titre comme ça parce que je vais en exclure plein d’autres, et j’ai un amour pathologique du cinéma. Donc, c’est difficile.

Merci à Fabrice du Welz pour son temps et aux équipes des Hallucinations Collectives. Message from the King sort en salle aujourd’hui.

Rencontres avec les anciens lauréats [1/3] – Mateo Balestriero

Cet entretien est le premier d’un ensemble de trois durant lesquels nous avons eu la chance de retrouver les lauréats de la première édition du Festival du Film Jeune. Nous leur avons posé quelques questions sur eux et le festival…


Game of Tong, réalisé par Matéo BALESTRIERO a reçu lors de cette édition le prix du meilleur film étudiant. Il est arrivé troisième au classement du public.

Bienvenue sur le blog le Film jeune lyonnais ! Est-ce que tu pourrais te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?

Je m’appelle Mateo Balestriero, j’ai 18 ans. J’ai réalisé Game of Tong, qui a été présenté au LYF, quand j’étais en classe de Terminale. Maintenant je fais des études de cinéma.

 

Comment est-ce que tu résumerais ton film ?

Disons qu’on a voulu s’amuser, alors on s’est battu avec des tongs. Voilà, tout naturellement. (rires)

 

Comment tu as appris l’existence du festival ? Pourquoi avoir envoyé ton film ?

C’est Jessim [un des acteurs du film] qui m’avait envoyé le lien du festival en me disant d’envoyer mon film… je ne sais même pas trop pourquoi en fait. Je l’ai envoyé parce qu’il y avait une fiche d’inscription, et je me suis dit « pourquoi pas ? ».

 

Qu’est ce que tu retiens du festival du film jeune de l’année dernière ?

C’était une belle expérience pour moi et pour mon camarade de Crazy Lutin [son équipe de réalisation] aussi, Lucas, qui joue dans le film. Parce que bon, c’est vrai qu’on fait des films, des vidéos, sur internet juste pour se marrer, pour s’amuser en tournant et du coup voir que ça peut plaire à d’autres personnes que nos parents c’est cool.

 

Qu’est ce que le festival apporte selon toi à celui qui présente son film ?

C’est cool pour un étudiant, pour un jeune, c’est bien d’avoir une première approche d’un festival, parce que dans le milieu du cinéma ce n’est pas très accessible. Quand on fait un court-métrage, on ne peut pas l’envoyer n’importe comment. Le fait que ce soit ouvert, et fait par des étudiants, par des jeunes, c’est plus agréable de participer à un festival comme ça.

 

Qu’est ce que ça fait de recevoir un prix pour le film sur lequel tu as travaillé ?

Ça fait vraiment vraiment vraiment plaisir. Au delà du prix, ça a rigolé quand le film est passé, et c’est ça qui fait vraiment plaisir. Et la coupe est vraiment jolie ! (rires)

 

 

Nos remerciements à Mateo Balestriero, et à l’Atelier des Assos de l’Université Lyon 3 de nous avoir accueilli.