Joker – Une tragédie humaine portée par un surhomme

Michael Moore (Bowling for Columbine, Fahrenheit 9/11) défend un film « d’utilité publique » dans le contexte de la polémique déclenchée par le film. Il s’est évertué à dénoncer cette hypocrisie qui voudrait qu’on ait peur d’un film plutôt que de ce qu’il dénonce, car c’est bien ce qu’il dénonce qui est au cœur du problème.

Enthousiasmé par ce retour d’un cinéaste que j’adule, je me suis précipité à la première occasion pour voir ce tant attendu Joker de Todd Philips, avec Joaquin Phoenix. Lion d’Or à la Mostra de Venise (plus ancien festival de cinéma du monde s’il faut le rappeler), une interprétation de Joaquin Phoenix portée aux louanges, tout était là pour me plaire.

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Golden Glove – « Non, mais franchement, ça peut pas être si dégueulasse… »

Crade, brutal, sale, dégoûtant, répugnant, réactionnaire, raciste, misogyne : les bons mots ne manquent pas pour qualifier le nouveau film de Fatih Akin, réalisateur allemand à l’origine de Head On (2004), Soul Kitchen (2007) ou dernièrement In the Fade (2017). Qu’importe ses dernières productions, ce nouveau film semble au premier abord n’avoir rien à voir avec ses œuvres précédentes. Akin nous emmène dans les années 1970, dans le pire quartier de Hambourg, dans le pub le plus grotesque de la rue où personne ne voudrait se rendre, rencontrer un affreux personnage se révélant être un psychopathe dégueulasse. Continuer la lecture de « Golden Glove – « Non, mais franchement, ça peut pas être si dégueulasse… » »

Les Éternels – Faux film de mafieux, vrai film sur la Chine

Film réalisé par Jia Zhang-ke et sélectionné à Cannes, Les Éternels (Ash is Purest White dans son titre anglais) est, autant le dire tout de suite, un film qui brasse beaucoup de thèmes. Et peut-être au risque de se perdre.

Qiao est la compagne de Bin, mafieux de la ville, chef en devenir. Tout bascule quand, au cours d’une bagarre de rue où Bin est en danger de mort, Qiao sort un revolver et tire en l’air.

Au premier abord, Jia Zhang-ke, aborde les thèmes de mafia et de violence. On est plongé dans une ambiance, dans un vocabulaire, avec des personnages tels que l’on s’imagine aisément les règlements de comptes, les arrangements à l’amiable, les armes à feu dissimulées et la dangerosité de la rue. Une première singularité se présente dès lors : le point de vue utilisé pour montrer tout cela. Car c’est bien Qiao, la femme du patron, qui est le personnage principal. Et suivre une femme de près dans un milieu mafieux, plongé dans le début des années 2000, est un parti pris fort. D’autre part, cela permet de se rendre compte comment le réalisateur considère la femme dans son œuvre : au lieu dans faire une femme fatale utilisée pour sa plastique, il en fait une femme forte, allant jusqu’à prendre les décisions de cette famille de gangsters et user elle aussi de violence. C’est d’ailleurs elle qui, pour présenter les truands va leur mettre une tape dans le dos, eux faisant mine d’avoir très mal et elle prenant la cigarette de Bin. Elle prend possession de l’espace et des corps. Continuer la lecture de « Les Éternels – Faux film de mafieux, vrai film sur la Chine »

Une prière avant l’aube – Un film qui cogne, un film douloureux ?

Séance de minuit à Cannes, mais en ouverture des Hallucinations Collectives 2018. Pour leur 11e édition, le festival lyonnais s’offre le nouveau film de Jean-Stéphane Sauvaire (Johnny Mad Dog) en tête d’affiche. Et dire que le festival commençait fort était un euphémisme tant Une Prière avant l’aube est, littéralement et métaphoriquement, un coup de poing. Plongée dans un monde chaotique, brutal, dans l’enfermement profond une psyché torturé d’un personnage violent, drogué et horriblement seul. Une expérience troublante, déstabilisante… Continuer la lecture de « Une prière avant l’aube – Un film qui cogne, un film douloureux ? »

Cannes 2018 – Dogman : un western italien qui a du chien

Prix d’interprétation masculine – Cannes 2018

Matteo Garonne est l’un des habitués de Cannes de cette sélection 2018. Deux fois Grand prix, il revient cette fois à nouveau avec un film noir, un film violent, un film sale et poussiéreux. Ça rappelle Gomorra. Mais ça n’en n’est qu’un morceau, dans lequel la brutalité est ouvertement animale… avec des chiens plus humains que les humains. Un simple toiletteur pour chien voit revenir un vieil ami sortant de prison, qui bouleverse son quotidien. Ce sera la loi du plus fort, un monde soumis à l’argent – on peut payer des tueurs, vouloir être payé pour aller en prison, payer sa coke – et le reste n’a pas d’intérêt. Garonne a son style, un style marquant : c’est un western italien – l’architecture de certains bâtiments y fait allusion, ainsi que les lieux ou même la gestion des espaces extérieurs. Continuer la lecture de « Cannes 2018 – Dogman : un western italien qui a du chien »

J’ai Rencontré le Diable : « Un chef d’œuvre diabolique qui plonge dans les profondeurs noires de l’âme humaine »

La vengeance, en voilà un grand sujet de cinéma. Nombre de réalisateurs l’ont filmé sous ses multiples coutures, captant avec un regard affûté toute la violence et les déchirements humains qu’elle entraîne. Mais avec J’ai Rencontré le Diable, rarement elle nous aura parue si brutale, si complexe, si irréversible…

Sorti en 2011, J’ai Rencontré le Diable nous raconte l’histoire de Soo Hyun, un jeune agent de sécurité qui, après le meurtre de sa fiancée, se lance dans une quête vengeresse dont il ne sortira pas indemne. Réalisé par Kim Jee-Woon, l’un des metteurs en scène de ce qui fut un temps appelé « La Nouvelle Vague Coréenne » (comprenant notamment Park Chan Wook, Bong Joon-Ho et Na Hong-Jin), le film transcende un script simple par une approche complexe et une vision jamais uniforme des thèmes qu’il soulève.

J’ai Rencontré le Diable (2011)

Cet uppercut filmé dépeint avec un jusqu’au boutisme rare toute la dualité de l’être humain et capte, au travers d’une mise en scène tour à tour nerveuse et lancinante mais toujours virtuose, ce basculement inconscient de l’homme vers le monstre. Kim Jee-Woon, avec une maîtrise déconcertante, met à mal notre notion de justice, de bien et de mal, et questionne notre animalité, notre part d’ombre… La violence sans concession des images pourra décourager les plus sensibles à s’aventurer dans ce voyage au cœur des ténèbres mais, pour les plus téméraires, le jeu en vaut définitivement la chandelle, tant l’expérience vécue pendant plus de 2h ne ressemble à aucune autre.

Porté par deux acteurs tétanisants de justesse et d’intensité (Lee Byung-hun et Choi Min-sik) et une BO qui retourne les tripes par ses décibels semblant être constituées d’émotions brutes, J’ai Rencontré le Diable est une œuvre dont on ne ressort définitivement pas indemne. Un film qui embrasse toute la noirceur de son histoire pour livrer un morceau de cinéma abyssal conduisant le spectateur à un point de non-retour. Un chef d’œuvre diabolique qui plonge dans les profondeurs noires de l’âme humaine pour finalement délivrer un discours fascinant sur l’humanité perdue d’un monde malade. Un crie de rage qui happe notre regard du premier au dernier instant, nous fait suffoquer et nous accable d’émotions aussi intenses que contradictoires. Percutant et définitif.

J’ai Rencontré le Diable (2011) de Kim Jee-Woon. Avec Lee Byung-Hun, Choi Min-sik, Oh San-ha.

Pour découvrir d’autres articles d’Aurélien Zimmermann, n’hésitez pas à vous rendre sur son site Watching The Scream